mardi 24 janvier 2012

Tiffany Khalil: Wonder Woman de la B.D indé










Tiffany Khalil, jeune libraire âgée de 28 ans, se dévoue corps et âmes à la bande dessinée indé. Pour ce faire, elle a ouvert la librairie Le Pied de Biche à Paris en 2010. Objectif: faire découvrir des auteurs décalés. Mais pas seulement.


Un tatouage dépasse de la manche de son pull jacquard et deux épaisses mèches blondes se baladent dans la masse de ses cheveux noirs, retenus sur les tempes par de fines barrettes disposées en forme de « X ». Tiffany Khalil soigne son look. Au moins autant qu’elle soigne l’esthétique de sa libraire Le Pied de Biche, spécialisée dans la bande dessinée indépendante. La devanture noire de la boutique contraste avec l’éventail de livres colorés que l’on trouve à l’intérieur, soigneusement disposés sur des étagères ou dans des boîtes en bois. Tiffany Khalil voue un véritable culte à l’objet livre. Tout en cherchant à baisser le volume de sa chaîne hi-fi qui déverse du psychobilly, un genre musical punk-rock né dans les années 1980, elle explique : «J’aimerais que les bouquins soient considérés comme des œuvres d’art ». D’où la présence du Petit livre de la vie de Jésus Christ dans les rayonnages, un ouvrage à la couverture ornée de roses et d’angelots avec, au centre, une image de Jésus Christ. « Je le vends parce qu’il est très joli je trouve » dit-elle de sa voix grave, avant d’ajouter dans un éclat de rire : « j’espère que les clients ne pensent pas que c’est du premier degré ! » 

Tiffany Khalil aime le second degré et l’esthétique macabre version Grand-Guignol. Elle explique qu’elle a baptisé sa boutique « Le Pied de Biche » « car c’est l’arme la plus redoutable en cas d’invasion zombie selon Max Brooks auteur du Guide de survie en territoire zombie, mon livre de chevet ». L’ouvrage est en vente dans sa librairie aux côtés d’un guide de conseil intitulé How To Speak Zombie: A Guide For The Living. Son amour de la culture décalée remonte à l’enfance, quelle a passé non pas le nez dans une B.D comme on pourrait le croire, mais les yeux rivés sur un écran de télévision : « j’ai grandi avec Canal+ dans ma chambre ». Elle cite « Télé Chat » une émission humoristique loufoque présentée par un chat en costume cravate, mais aussi « des films bizarroïdes, comme Napoleon Dynamite ». Alors pourquoi s’être consacrée à la bande dessinée ? « La B.D c’est comme le cinéma » répond-elle. Et de prendre pour exemple Ghost World, roman graphique de Daniel Clowes adapté à l’écran par Terry Zwigoff en 2002 : «ce sont des images que tu pouvais effectivement imaginer en film ». Pour elle, tout est lié.

Pour réaliser son rêve de libraire, elle a du emprunter 20.000 euros à son frère – « toutes ses économies »- il y a maintenant un an et demi, parce que les banques n’ont pas voulu la suivre. Avant, Tiffany Khalil était traductrice anglais-français et « passait [son] temps à attendre son chèque de règlement, à rappeler les employeurs pour être enfin payée ». Elle conclue : « C’était crevant pour pas grand-chose, et quitte à ne pas gagner de sous, je me suis lancée dans ma passion ». 

Pourtant, les passions de Tiffany Khalil excèdent le champ de la bande dessinée. Elle organise des showcases, expose des artistes sur les murs de sa boutique, et envisage de mettre en place un atelier cuisine le dimanche après-midi. « La bouffe » est une autre de ses marottes avoue-t-elle en pointant du doigt un sachet de macaroni and cheese qui traîne sur son bureau. En définitive, Tiffany se passionne pour mieux s’amuser. Ce qu’on ne fait plus assez en France à son goût : « on s’emmerde de plus en plus ici. Il y a une vraie différence avec quand j’avais 20 ans. A l’époque il y avait encore des squats et des tonnes de concerts ». Ce sentiment de liberté elle le retrouve à Berlin, sa ville coup de cœur. « Il y a un côté très triste dans cette ville qui me plaît beaucoup » ajoute celle qui affirme avoir « un côté badant » sous ses airs enjoués. Passionnée et touche-à-tout dans l'âme, la libraire multiplie les coups de coeur. Elle est ainsi très attachée à sa culture libanaise. Ses parents, qui ont immigré en France puis à San Francisco, sont originaires de la ville portuaire de Tyr, au Liban, où elle retourne en février prochain. « Il y a, parait-il, une grosse scène indé au Liban, je vais aller voir de mes propres yeux ! » s’enthousiasme celle qui a choisi Tyranny comme nom d’artiste, contraction de Tyr et de Tiffany. C’est sous ce « blaze » qu’elle publiera prochainement sa bande dessinée Justine Justice aux éditions du Pied de Biche. Car la jeune libraire est aussi artiste et éditrice. Sa B.D racontera l’histoire d’une super-héroïne. Son double ? Peut-être bien.

Le Pied de Biche, 86 rue de Charonne, 75011 Paris
Ouvert du mardi au vendredi de 11h30 à 20h et le samedi de 11h à 20h.


 http://www.lepieddebiche.com/

Carole Boinet

1 commentaire:

  1. à quand la 4ème de couv de Libé ? bien dans le style....Bravo !

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