mercredi 31 octobre 2018

La Luz - Interview de rêves




English version here.


Au commencement étaient Shana Cleveland (à la guitare), Marian Li Pino (batterie), Lena Simon (basse) et Alice Sandahl (claviers). La Luz était né et nous les découvrions en 2013 suite à la sortie de leurs premières galettes, le Damp Face EP puis l’album It’s Alive. À l’époque, on avait été agréablement charmé par le surf rock classe et attachant des américaines (voir Mixtape ici WOLXV).

Puis vint la fin de l’été 2015. Leur 2ème album, le bien nommé Weirdo Shrine, produit par Ty Segall, révélait un visage plus sombre, mystique et sauvage. Les mélodies y devenaient déjà entêtantes, les harmonies vocales aussi… Telles des enchanteuses aux riffs redoutables et aux rythmes enivrants, il était incontestable qu’elles nous montreraient désormais la “voix”… Et la lumière fût.






C’est en mai 2018 qu’est arrivé Floating Features, leur magnifique dernier album. On ne s’y attendait pas, mais il a débarqué à point nommé. Comme ça. Juste avant l’été. Et il nous a fièrement et fidèlement porté ces derniers mois. On vous le recommande, c’est un “must have” comme on dit. Toutes les chansons sont belles, fortes, magiques, chaleureuses… Que dire de plus à part un grand merci les filles ? Vous êtes un sacré bon groupe de rock.

C’est avec la belle vue sur le port de Hambourg, à l’Hafenklang, que l’on a pu rencontrer et échanger quelque peu avec les américaines avant leur concert (4/10/2018).






x La première formation de La Luz, c’était seulement vous deux, Shana et Marian, si je ne m’abuse. Comment vous êtes-vous trouvées?

Shana : Oui c’est ça. À l’époque (ndlr: ca 2011), on jouait ensemble dans ce groupe : The Curious Mystery.
J’en avais un peu marre et j’avais en tête de monter un projet avec 4 chants féminins, donc j’ai proposé à Marian d’y jouer de la batterie. Elle m’a recommandée Alice (avec qui elle avait joué, dans un autre groupe), mais elle nous a d’abord mis un vent. On a donc commencé avec une autre fille... Et puis quelque temps plus tard, Alice nous a finalement rejoint ! Au départ, on avait aussi une autre bassiste mais qui a quitté le groupe pour d’autres projets. C’est à ce moment là que Lena est arrivée.


x Pouvez-vous évoquer votre première fois avec la musique?


Shana : Mes parents sont musiciens, donc ma première rencontre avec la musique s’est faite via leur groupe. Ils jouaient ensemble quand je suis née. Ils jouent toujours d’ailleurs mais dans différentes formations. Mon père doit avoir une dizaine de groupes. Il vit dans le Michigan, là où j’ai grandi. Ma mère, elle, vit à Seattle.

Marian: Me concernant, ça s’est fait à l’école. On avait des cours d’introduction à la musique où tu pouvais choisir ton instrument et j’avais pris la clarinette. J’ai découvert et appris à jouer comme ça, d’abord par le classique, puis le jazz, puis le rock and roll...

Lena: Pareil pour moi. Mais mon premier souvenir, je pense que c’était quand j’étais toute jeune, à écouter Pierre et le Loup, l’histoire et la musique. Mon père le mettait souvent. C’est vraiment cool en fait, j’adorais écouter ça...

Marian : Je me souviens aussi quand mes parents m’ont acheté ma première batterie. C’était pour Noël et il n’y avait que la caisse claire au départ, mais ça m’avait rendu dingue. Le cadeau de Noël le plus cool au monde ! Et puis ils s’étaient cotisés avec le reste de la famille pour m’offrir le kit de batterie complet. J’étais complètement aux anges !

Alice : Je me souviens de ma mère qui jouait beaucoup de piano et ça m’intriguait beaucoup. J’ai dû écrire ma première chanson à cette période. J’étais toute petite, bien avant de savoir vraiment jouer… Une chanson sur les chats je crois... C’était pas terrible! Et aussi, mon père jouait de la guitare. Il était à fond dans ce musicien folk, Gordon Lightfoot : je me souviens avoir souvent chanté ça avec lui. J’aime toujours beaucoup Gordon Lightfoot.






x À propos du dernier album, Floating Features, que signifie vraiment “Features”?

M : Features, ça peut désigner les traits du visage par exemple, le nez, les yeux et leur détails…
S : C’est aussi un mot que les gens utilisent pour décrire un type de film, un long métrage. Ça peut avoir plein de sens différents en fait.
Je le vois aussi comme cette facette psychédélique que peuvent renvoyer les rêves ou certains films. Quand ils sont à la fois proches mais aussi un peu hors de la réalité. Pour moi, c’est quelque chose que l’on retrouve tout au long de l’album.


x Et alors d’où viennent-elles, ces Floating Features? (figures flottantes)

S: De ton esprit !
J’ai fait pas mal de rêves dans lesquels ma bouche devenait énorme, je ne sais pour quelles raisons…
Mais par rapport à la pochette et au nom de l’album, c’est plus un heureux hasard. En effet, on avait eu l’idée de cette espèce de plateau / scène pour le visuel de la pochette et pour le clip de Mean Dream. Avec, par exemple, des plantes bizarres, dans un décor un peu étrange... et au milieu le spectacle.
Et puis en fait, mon amie Lauren Corden avait fabriqué ces costumes en forme de traits de visage “features” géants. On s’est dit que ça correspondait parfaitement au thème et au nom de l’album, et même plus qu’à l’idée de départ !

M: On aime aussi beaucoup l’idée que Floating Features pourrait être le nom du groupe, que ça puisse porter à confusion.
S: Oui, j’ai toujours trouvé que ça pouvait être un super nom de groupe. Ça pourrait être un autre groupe, éponyme à la première chanson de l’album qui, en plus, est instrumentale. Ça donnerait :”The Floating Features jouent Floating Features”... à la Sgt. Pepper…





x Votre musique m’évoque toujours la nature, avec un côté mystique, ça vient d’où?

S: Tu penses aussi à ce que renvoie l’imagerie des textes, non?
Car j’ai écrit la plupart des textes à la campagne, en Californie. J’aime bien aller me poser dans un parc ou dans la nature pour écrire mes textes, je ne sais pas trop pourquoi. Il y a sûrement quelque chose de stimulant avec cette espèce de bruit de fond que tu retrouves en pleine nature. C’est moins intimidant de trouver l’inspiration et les mots dans ce genre d’environnement, plutôt que dans une pièce complètement silencieuse. J’adore me retrouver près de l’océan ou d’une rivière, ce genre d’endroit naturellement bruyant où tu peux chanter, dans le vent. C’est beaucoup moins claustrophobique. C’est plus facile pour moi de divaguer, de laisser mon esprit se balader quand il n’est pas confiné…


x Je pense à Seattle d’où vous veniez avant de déménager à LA. C’est complètement entouré par la nature, non?

S : Oui tout à fait, il y a plein de parcs, de montagnes et la nature y est magnifique…
M: Il y a des forêts, des lacs et des rivières partout! C’est comme si tu ne pouvais pas t’échapper de cette nature, elle est omniprésente.


x Il y a des forêts enchantées?

S: Oui! La première fois que je suis allé dans le Northwest (Pacific Northwest, Seattle etc.), je déménageais de L.A., et on s’était arrêtés sur une aire de repos. Autour, c’était tellement beau, je n’en croyais pas mes yeux. On aurait dit le Comté des Hobbits. Tous ces arbres couverts de mousse... ce qui est tout à fait normal dans le Northwest! Mais je n’avais jamais vu ça avant! Je me disais “Wow, mais c’est quoi ça, une jungle magique?!” Ça a tellement ce côté féérique, un peu sombre, plein de végétation et de vert….




x C’est important pour vous de vivre près de la nature?

Toutes: Oui clairement!
M: C’est un peu ma vision de ce que tu peux retrouver aux US : la nature n’est jamais loin. Enfin peut être que c’est pareil dans tous les pays…
S: Mais quand je vivais à Chicago, je me sentais vraiment coincée : comme si il n’y avait aucun moyen de s’échapper…
M: Je pense que c’est un peu pareil quand tu vis à NYC, non?
L: Mais tu peux aller à la plage…
S: Oui enfin une plage “urbaine”...


x Shana, j’ai lu que tu dessinais des BD. Tu as toujours le temps pour ça? Et y-a-t-il un lien avec ta musique?


S: Oui un peu... Pas autant que je le voudrais car la BD, c’est un exercice difficile… Donc on verra quand j’aurai un peu plus de temps. Je voulais faire une BD sur The Creature, comme la chanson. Je l’ai commencée mais jamais finie...
Par rapport au lien avec la musique, c’est plutôt vague et ça a un peu été exagéré dans les médias par rapport au précédent album Weirdo Shrine. Mais il y avait cette BD, Black Hole de Charles Burns, qui m’avait plus ou moins inspirée. L’histoire se déroule à Seattle et notamment dans un parc qui se situait à côté d’où je vivais, et il s’y passe des choses bizarres…





x Qu’est-ce que vous aimez dans le fait de jouer sur scène ?

S: C’est juste génial quand le show se passe bien et que tu arrives à créer un vrai lien. Ça n’arrive pas tout le temps mais assez souvent. Dans le cas contraire, c’est naze pour tout le monde….
Je ne sais pas s’il en a conscience, mais le public a beaucoup d’influence sur ce que sera le concert. Et nous, plus les gens nous donnent, plus on donne.
En fait c’est une sorte de pari. Tu ne peux rien prévoir à l’avance. Comment va se passer la soirée? Et puis tu vas avoir ce truc, quand tout le monde est sur la même longueur d’onde et va dans la même direction, qu’il y a la connexion. C’est ce que j’aime le plus dans le fait de jouer. Quand la magie opère à travers la puissance et la beauté de la musique.

M: On joue souvent plus ou moins le même set, mais chaque ça peut être à chaque fois infiniment différent. Un soir, tout le monde va s’en foutre et le show va être naze ; alors que l’autre va être ultra fun : le public danse, nous dansons, tout le monde sourit…

L: Quand tu vois tout le monde rire et chanter, là tu peux te dire que ça vaut le coup. Tu as la montée d'adrénaline… J’ai ressenti ça sur certains concerts de la tournée - je ne sais plus si c’était à Copenhague ou à Paris - où le public m’a vraiment fait me sentir bien, ça m’a remplie de chaleur.





x Je me demandais d’ailleurs, est-ce qu’on dort bien pendant une tournée?

M: Eh bien en fait, oui! Je parlais justement de ça ce matin et j’ai tendance à très bien dormir en tournée.

x Et vous rêvez?

M: Parfois oui… Il se dit que le fait de changer d’endroits tous les jours t’aide à plus rêver… Mais je ne contrôle pas mes rêves...

S: Je me rappelle de mon rêve de la nuit dernière ! Vous voulez que je vous raconte ? (rires)
J’ai juste rêvé que je sortais pour aller manger un hamburger avec ma grand-mère. On n’est jamais arrivées au moment de manger, mais on y allait...

x Et tu es arrivée à Hambourg...

S: Oui c’est vrai! D’ailleurs vous avez des bons hamburger à Hambourg?



--- Le cuisinier de l'Hafenklang crie à plusieurs reprise: “ THE DINNER IS READY !!!“



x Bon, avant que vous n’alliez dîner, auriez-vous quelques conseils musicaux à nous donner? Ce que vous écoutez pendant la tournée, par exemple?

Shana: Tu peux digger l’album de Cutworms!

Lena : J’ai pas mal écouté l’un des derniers albums de Deerhunter, celui sorti en 2013 (ndlr: Monomaniac). Je ne m’étais jamais vraiment plongée dedans et il y vraiment de bons morceaux. C’est celui qui va et vient entre des chansons fuzzy garage et d’autres plus dans le genre bedroom electronic… vraiment cool.

Marian : J’écoute beaucoup de trompette classique. Cette fille Alison Blossom, c’est la meilleure!

Alice: J’ai plein de choses dans mon téléphone mais j’écoute la mixtape d’Erykah Badu en ce moment, une des dernières, mais ce n’est pas très récent, j’aime vraiment beaucoup…

...La base….





---Outro ---

Le concert de ce soir là nous a en tout cas réchauffé le coeur. On aurait même voulu que le son soit encore plus fort. De la passion, des beaux riffs, des belles personnes, une belle communion où elles nous ont fait danser et chanter...


À noter la très bonne première partie assurée par les anglais de Peggie Sue.
à suivre…
La playlist à écouter ci-dessous :




Merci à La Luz, Ryan Hardly Art, la team Hafenklang, Malko, Francis, Chris.

B.


La Luz / Discographie :
- La Luz - Damp Face EP 2012
- La Luz - Brainwash EP - Suicide Squeeze 2013
- La Luz - It's Alive - Hardly Art 2013
- Shana Cleveland and the Sandcastle - Oh Man, Cover The Ground - Suicide Squeeze 2015
- La Luz - Weirdo Shrine - Hardly Art 2015
- La Luz - Floating Features - Hardly Art 2018


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