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mardi 22 janvier 2013

The Feeling Of Love - Open Heart, Open Tuning - Interview 1/3


Pic ©Pascale Cholette

English version's link here


On a vraiment commencé à écouter The Feeling Of Love à partir de leur dernier album, "Dissolve Me" (Born Bad / Kill Shaman), et ils sont devenus passionnant. Avec une discographie qui devient au fur et à mesure culte, le projet que Guillaume Marietta avait commencé en solo il y a quelques années (après les débuts avec AH Kraken) a constamment évolué et trouve aujourd’hui, à notre goût, sa forme idéale, que ce soit sur album mais aussi lors de leurs lives fameux et puissants. Le trio va bientôt passer à quatre et on attend avec impatience de voir la nouvelle formation à l’œuvre. Ils vont bientôt sortir leur nouvel album intitulé "Reward Your Grace" (Born Bad Records) pour lequel ils ont notamment pu expérimenter en studio. Ce sera à coup sur l’un des moments forts de l’année et voici un premier extrait "Julee Cruise":




Les messins seront aussi en concert sur de beaux événements de ce début d’année 2013, le 26/01 au Festival Mo’Fo 2013 à Mains d’Oeuvres et le 16/02 à la Route du Rock Hiver (St Malo) entre autres.

Cette interview a été réalisée le 10 décembre dernier au Point FMR et fait partie d’un feuilleton en 3 parties. Ce soir là, Feeling of Love jouait avec White Fence. Ce fut d’ailleurs l’une des meilleurs soirées/concerts de 2012. On a eu la possibilité de rencontrer tous les protagonistes, d’abord seuls et à travers une interview croisée. Vous trouverez le lien de la deuxième partie ici et celui de la troisième ici.
 On commence par notre rencontre avec Guillaume, The Feeling Of Love.


Pic ©Pascale Cholette


x Alors, le nouvel / prochain album, Reward Your Grace?

Guillaume : (réfléchis), et bien JB de Born Bad, quand il l’a écouté, a dit que c’était quelque chose de plus posé, assez lumineux, moins dark par rapport aux précédents.
Il n’a pas tort, effectivement les compositions sont un peu plus pop, on se rapproche plus du format chanson. Le gros changement également est que j’ai arrêté de jouer en open tuning. J’ai donc un accordage classique maintenant et ça me permet d’avoir des chansons un peu plus travaillées, avec plus de changement d’accords… C’était quelque chose qu’on avait en tête depuis un moment, faire plus des « chansons ».
Alors qu’au tout début, c’était l’opposé. J’étais vraiment dans une démarche anti chanson. Je ne voulais pas de couplets, je ne voulais pas de refrains, pas trop de riffs accrocheurs. Alors que là, au contraire, on fait des choses plus « classiques ».

x Est-ce qu’il y a un thème qui en ressort? J’avais lu que vos précédents albums évoquaient (entre autres) la frustration sexuelle pour Petite tu es un hit, la soumission et la mort pour Ok Judge Revival et la mort et la disparition pour Dissolve Me.

G : C’est difficile, là, de sortir un thème. C’est plutôt avec le recul que je vois les choses. Mais c’est grosso modo toujours un peu les mêmes dans le sens où cela parle toujours d’amour de manière générale.
J’ai une manière d’en parler qui se focalise plus sur les frustrations, les déceptions, les choses comme ça que ça peut amener.
Je suis aussi assez hanté par la mort, c’est pour ça que je fais de la musique.

Quand tout à l’heure tu demandais pourquoi je faisais plein de trucs, c’est parce que en étant réactif ça me donne l’impression d’exister. Et sortir des disques, c’est une espèce de preuve matérielle de ton existence…
C’est juste parce que je flippe en fait. Si un jour je meurs, voilà, il y aura toujours ça qui va rester au cas où.
Et depuis que Dissolve Me est sorti, je suis devenu père, j’ai eu une petite fille… donc ça m’a forcément aussi changé.

x ça a une influence ?

G : Et bien JB trouvait que ça se ressentait, ça aussi. Il a d’ailleurs aussi eu un enfant entre temps. Je ne sais pas comment ça m’influence mais il y a peut être effectivement un aspect plus combatif sur le disque.

x Du fait de devoir élever un enfant ?

G : Peut être, après je n’ai pas non plus envie de faire de la psychologie du genre « pourquoi as-tu peint ce tableau ? c’est parce que j’ai perdu ma mère à 2 ans »… t’es là genre ah, puis tout le monde verse une larme.
J’ai eu des trucs vraiment bourrins dans ma vie mais j’ai pas envie de dire que l’album là, c’est quand j’ai perdu mon frère et l’album d’après, c’est quand j’ai eu ma fille… même si c’est forcément lié, tu te nourris forcément de ta vie.

x C’est un bon album?

G : Je pense qu’il sera bien ouais !




x Votre façon de jouer de la musique, le côté un peu tribal, la recherche d’une certaine transe, est ce que c’est toujours quelque chose que vous recherchez et ça vient de quoi ?

G : Je crois qu’un bon disque de rock ou un bon live de rock, c’est celui qui va te foutre une claque.
Tu as plusieurs manières de le faire mais celle qui nous plait, à tous les trois, c’est effectivement ce côté tribal et hypnotique que j’ai trouvé quand j’étais tout seul, dans le blues.
J’adore ces morceaux de blues ultra simples où tu as trois ou quatre accords et ça tourne et ça tourne et puis tout le monde se met à danser et puis le gars il est là, il raconte son texte qui est assez court mais il va le répéter plein de fois puis ça se met en rang tout doucement et ça fait cet effet là…
Et la musique tribale, la musique psyché, le krautrock tout ça, sont des choses qui permettent tout ça aussi donc on y est venu naturellement parce qu’on aime ce côté où tu tripes devant la musique.

C’est peut être aussi car on est des mauvais danseurs et que du coup, on ne sait pas danser le rock and roll, le coté twist etc… On ne sait pas faire danser les gens donc l’autre manière qu’on a de les faire bouger c’est en leur foutant une transe dans la gueule. (rires). C’est peut-être ça, j’en sais rien mais c’est comme ça que j’aime la musique. C’est ce que ça me fait quand j’écoute le Velvet, les Spacemen 3, Neu, Can ou des trucs dans le genre…

x Ce côté tribal, on le retrouve aussi par rapport à vos pochettes…

G : J’aime beaucoup l’art brut. J’aime beaucoup les trucs assez naïfs et j’avais une période, surtout à l’époque de OK Judge Revival, où je m’étais acheté un bouquin sur l'art du Mithila (qui est une région en Inde). Ce sont des femmes qui font ça, sur des rouleaux, elles dessinent et font toutes ces frises ultra répétitives et florales. Et il y a toujours des animaux, des divinités…
Il y a un impact visuel super efficace, direct, au niveau du graphisme et des couleurs et puis il y a toujours ces petits motifs répétitifs qui reviennent, qui reviennent…
C’est un peu comme notre musique aussi. Tu choisis un motif que tu vas répéter plein de fois. Il y a un aspect séducteur de prime abord et puis si tu rentres dedans, tu vas arriver dans les détails, faire attention au grain, du son, du clavier, aux effets…





x Est ce que tu peux me parler un peu de ce que tu aimes au niveau cinématographique, et qui peut être lié à votre univers visuel / imagerie ?

G : Ben c’est sur que notre génération a été vachement influencée par Lynch.
On s’est tous pris une claque dans la gueule quand on a vu au cinéma Lost Highway, Mulholland Drive… et qu’on a découvert les plus vieux comme Twin Peaks, Blue Velvet, et Eraserhead aussi, forcément.
Donc ouais ça nous a marqué.
Et ce qui est cool avec lui c’est qu’il inclut la musique dans ses films et de manière classe. Quand il mettait un morceau de rock, il n’était pas là au hasard, pas pour meubler, ça avait vraiment du sens. Il choisissait toujours les supers bons morceaux.
Et quand tu allais voir ses films en salles, tu avais autant l’image que le son qui te prenaient au corps. Il y a vraiment un aspect corporel, intellectuel bien sur, mais aussi corporel quand tu vas voir ses films. Ce que tu peux ressentir quand tu vas voir un concert de rock.

x Quand j’imagine FOL, c’est très rouge par exemple.

G : Il y a cette image des rideaux dans Twin Peaks avec le motif sur le sol dans la red room, c’est super beau… Et Julee Cruise, quand tu la vois chanter sur scène... Enfin voilà, cette scène là est magnifique.





x Je reviens sur le blues et tes influences par rapport à ça. Est ce que la musique noire est vraiment quelque chose qui fait partie de ton bagage ?

G : Et bien je pense qu’à partir du moment où tu t’intéresses au rock and roll, tu es obligé de passer par là.
Il y a cette idée commune que tout vient du blues. C’est un peu cliché de dire ça mais je pense que ce n’est pas faux non plus.
Après, c’est très intéressant de lire les bouquins de Nick Toshes où il démystifie un peu la chose.
Il parle vraiment du lien entre la musique blanche et la musique noire, de comment chacun s’est influencé et est allé piocher chez l’autre. Il y a aussi l’aspect commercial de la chose car il n’y avait pas que le côté artistique mais aussi le: « les gars faut qu’on bouffe, va falloir aller jouer, va falloir qu’on aille faire danser les gens ».
Les noirs devaient aller faire danser les blancs car ceux-ci avaient le pognon et les blancs devaient mettre un peu de touche noire dans leur musique pour avoir l’air un peu plus authentique…
Bon, le blues, j’en écoute moins maintenant mais à une époque j’en écoutais énormément, notamment au moment où le label Fat Possum commençait à rééditer et réenregistrer tous ces vieux mecs du Delta qui étaient encore vivants.
J’ai beaucoup écouté ça et aussi les trucs plus vieux comme Skip James, Son House, Blind Willie Johnson. Mais j’ai toujours préféré les mecs qui avaient le son le plus épuré possible. J’aime moins quand c’est en groupe. Je préfère quand c’est juste une voix et une guitare, ou alors quand ça reste vraiment sec.
Je préfère aussi en général quand ils ont des petites voix fluettes, comme Skip James ou Blind Willie Mctell. Ils ont presque des voix de filles parfois. J’aime pas trop quand c’est vraiment gros blues « couillu » comme le son Muddy Waters, avec à blinde de disto…

x Et les trucs plus rock and roll comme Ike Turner par exemple ?

G : Ah Ike Turner c’est vrai que c’est cool aussi, et puis effectivement les grosses voix, Howlin’ Wolf, il défonce. Blind Willie Johnson aussi a une grosse voix. Disons que j’aime le blues quand ça reste tendu, léger. J’aime pas le gros blues où ils font genre « Hey baby, j’suis un mâle » enfin ils le disent tous (rires) mais j’aime bien quand ils disent « j’suis un mâle mais j’suis un peu un pédé aussi » même si les thèmes de l’homosexualité sont pas trop abordés là dedans. J’aime bien quand il y a une fragilité.

x Vous faites partie de ces groupes qui sont assez curieux, pas unilatéraux dans les goûts. Du classique par exemple, ça peut être de la musique que tu écoutes ?

G : Oui, j’en ai pas mal écouté. Mon frère était un gros fan de classique, c’est surtout lui qui me faisait découvrir des trucs. Ma mère en écoutait aussi beaucoup donc j’ai commencé par une période de rejet étant gamin, quand elle écoutait ça à blinde. J’étais là « putain maman arrête c’est chiant » et au fur et à mesure on s’est mis dedans.
Je saurais pas trop quoi te citer comme nom car je suis pas très pointu là dessus mais j’aime les trucs qui prennent au corps, au cœur et assez romantiques. Mais il y a beaucoup de choses, chez chaque compositeur. Je vais pouvoir te dire j’aime bien ce gars là mais en même temps j’ai écouté quoi, 2 trucs de lui ?
Et puis il y a certaines choses que je ne comprends pas en classique. Par exemple je vais écouter le début d’une symphonie, et tout d’un coup ils vont partir dans un truc, et là je vais pas comprendre pourquoi, comment ils structurent ça… alors que pour un morceau de rock je comprends, pourquoi, qui fait quoi. La musique classique, ça me perd… et c’est super intéressant.





x Dans votre univers, on retrouve aussi beaucoup le thème des 90’s, dans vos pochettes etc… ça m’évoque aussi une époque de frustration. C’est quelque chose auquel tu repenses avec plaisir ou pas ?

G : C’est une période de frustration car c’est lié à l’adolescence. Forcément c’est un moment où tu vas t’en prendre plein la gueule, tu vas te ramasser les dents par terre, tu vas te construire aussi par rapport à tes échecs.
En fait, j’ai toujours une période de digestion et je vais toujours me mettre à parler de choses qui se sont passées avant.
Pourquoi je suis resté bloqué sur cette période là ? Je ne sais pas exactement.
Ça vient aussi de mon travail que j’ai effectué quand j’étais en Arts Plastiques et donc j’ai repris les deux figures emblématiques des années 90 qui pour moi, et pour beaucoup de français je pense, étaient Kurt Cobain et Michael Jordan. C’est un peu comme les gens plus vieux qui pouvaient avoir les Beatles et les Stones. Nous on a eu Nirvana et les Chicago Bulls. Donc je ne sais pas, c’est une espèce de matériau primaire sur lequel tu peux encore revenir, aller chercher des trucs, développer…


 



x Vous avez une relation spéciale avec les US où vous avez tourné plusieurs fois et notamment dernièrement avec White Fence, Mikal Cronin, Ty Segall... Vous êtes perçus comment et vous le percevez comment?

G : C’est simple et compliqué. C’est simple car c’est pareil qu’en Europe car c’est juste des groupes de rock qui jouent, qui galèrent ou qui parfois ont l’opportunité d’avoir de meilleurs plans.
Ty Segall a réussi à sortir un peu de ce petit réseau garage et maintenant il touche un public plus large. Pour les gens qui s’y connaissent par exemple, des blogs comme Terminal Boredom ou des fanzines dans le même genre, il n’y a pas de soucis, on fait partie de la même scène, ils nous connaissent depuis des années, ils ont chroniqué FOL dès le 1er 45 tours.
Après effectivement quand on a fait des plus grosses salles à San Francisco ou Los Angeles, y’avait plein de gens qui n’avaient jamais entendu parler de nous et qui ont bien aimé. Donc c’est cool, c’est pour ça que tu tournes, c’est aussi pour voyager, pour découvrir ...
On a cette chance même si ça peut être un handicap aussi, de ne pas être un groupe uniquement franco-français. La plupart des groupes français qui marchent et se font de la thune et qui sont intermittents avec leur musique, et bien finalement ils tournent essentiellement en France. Alors nous on est moins connus, on se fait moins de blé, mais au moins on joue partout. Je trouve ça plus cool. Même pour jouer dans des bars (rires).

x C’est quoi ton sentiment d’amour ?

G : Au niveau conceptuel ? (rires) L’amour est une quête infinie ? L’amour est un travail du quotidien ! (rires). Je ne sais pas quoi dire là-dessus car en fait je suis assez nul en amour donc je suis piètre conseiller. Mais comme je suis papa depuis pas longtemps j’ai découvert une nouvelle forme d’amour et qui est, putain, assez forte. J’ai l’impression de sortir des clichés mais c’est ultra puissant. (rires)

x Donc c’est un bon choix de nom The Feeling Of Love ?

G : Ouais je me dis au fur et à mesure du temps qu’on a pas si mal choisi que ça… (rires).



- The Feeling Of Love - Nouvel album "Reward Your Grace" (Born Bad Records), sortie mars/avril 2013
- Discographie à choper et écouter par ici 
- Lien FB, Twitter
- Prochains concerts:
Jan 26th @ Mo'fo' Festival in Paris (w/ Holograms, Datsuns etc...)
Feb 2d @ Gazteszena in San Sebastian w/ Veronica Falls
Feb 9th @ La Carène in Brest w/ Frustration
Feb 16th @ La Route Du Rock Hiver in St Malo (w/ John Cale, etc...)
March 1st @ La Bobine in Grenoble

B / FGC, merci à JL







lundi 7 janvier 2013

Holograms - The block busters, the interview


©Picture by Dylan Gordon (Dirty Snapshots)

Lien version française


Holograms is certainly one of our favorite crushes of 2012. For those who didn't follow, they are some young folks from the suburbian area of Stockholm expressing themselves through punk music.
It does of course not stop at this, because just after blowing our minds with their first songs (ABC City and Hidden Structure), in the beginning of the past year, we wouldn't have imagined that they could confirmed their talent with a first LP (eponymous), already a classic.
So yes, it brought us back to life and yes they can have at the same time this fire and this freshness of a musical mastery, a direction.
We picture them and this whole youth, going around in circles, locked up in those huge concrete blocks, sometimes as a social maze, or as a weight attached to their foot that keeps them from heading out of the water. Nobody's paying them any attention and that's from where they'll draw their power. If nobody sees them, then they can do what they want, explore what they like without any disturbance of any kind. This is what made Holograms.
It's grey, it's urban, but it changes into colors thanks to some pop touches that cross and melt into their punk rock, krautrock (and many other inspirations) brûlot...

Their album came out last summer on Captured Tracks and they'll be back in France this very month, with a show we're dying for at the Mo'Fo festival, on saturday 26th with many other dream bands (Feeling of Love, Datsuns, etc.).

For the record, we already met them during their first tour in France last May, and logically we went to see them again (last November) for their second show (sold out this time), at L'Espace B. What follows happened just after the show, around a beer and we talked about all and nothing...


“The first show we played was with the Vaccines. And I don’t think anyone came for us… We were like « we’re gonna play another song » and they were like « oh no… » (laughs).”






x I read you like D.A.F (Deutsche Amerikanische Freundschaft) music, could you tell us more about that?

Andreas: For me it was a big influence, in my musical tastes. I started to listen to DAF when I was a teenager (maybe when I was 14 or 15). It’s something about the drive of the music, how they do it, they have like live drums and synthesizers, the sound of it… The synthesizers, the beats, the really simple 2 beats drums, I love that, and the image they have.
But I don’t think it is a big inspiration for us as a band...

x Is it a kind of way you could experiment with Holograms future material?

I don’t think so, but I’m gonna do a synth band with Anton the drummer, who really likes this kind of stuff. He has a band called “I've Become Vapour” which is really good. He’s doing everything by himself. So we’re gonna try to do something like that.
But for Holograms, I don’t know, I don’t think we can do such a big sudden change, but maybe we’re gonna do some more synth drums and we actually bought another synthesizer, a JUNO 60.



x Did you already record new stuff?

Anton: No, not yet but we’re gonna do it as soon as we’re coming back home.
With the same guy as for the LP, he’s like a producer but not … He’s really good … and he has a lot of good ideas. Maybe he will be more motivated because now he knows there is big stake (laughs).

x Your music is surrounded by a lot of symbols (lyrics, titles), what is your though about it?

Ant: It’s a way of approaching to write lyrics. It’s about creating an atmosphere.
And: We never went to university but I’m really interested in a lot of different stuff, I really enjoy that. I read a lot of books and I want to write stuff on thing that interests me, at a personal level and on some things that can evoke emotion. I don’t want to write about generic stuff…
There is the image of Orpheo (greek), ABC city is about the suburbs where I’m living, Monolith is about Le Corbusier, the Swiss architect, I read a lot about him etc.





x Is there a kind of underground scene in Stockholm? I’m thinking about a place like Push My Buttons

Ant: No, not really.
When we were kids, it’s like we played in different youth centers like when you’re not old enough to go to the bar, you go to some place for young kids. That’s where I started to rehearse and that’s where we played our first kind of shows. There, there is really a kind of scene with a lot of crappy bands (laughs).
And: When I was older, like 18/19 years old, I started to go to Thomas and Lotta from Push My Buttons. That’s where we met, at a show actually. They do like everything there. That one is maybe the only scene you could call underground. They were also the first guys who booked us…

x And concerning music labels?

Ant: There are not really indie labels in Stockholm, in Sweden most of them are in Gothenburg. Like Luxxury and stuff. It’s better than in Stockholm for music. It smells like fish over there (laughs), I’m kidding.
Sincerely Yours is also a really good label. If you really are into the music in Sweden, they released lots of big stuff. Like The Tough Alliance, JJ etc…

x Do you feel that there is some kind of a “new“ Nordic punk scene which is emerging these days?

And: No. They have a scene in Copenhagen; a lot of those guys come from the Posh Isolation comp. But we have nothing like that in Stockholm. We really like, Iceage, Lower but most of us didn’t know about them when we started. Iceage have been playing for a long time. I used to talk with them on myspace like 5 years ago or something, when they’re were like 13 years old (laughs) and then we just met like once…





x Last time we met, it was your first tour. Do you have some kind of foggy/weird story about it?

Ant: We have many from that tour… Well, from France, it was a wet story as our car broke down in Nantes.
And: We bought this car one day before going on tour, like for 1000 euros from this like “swedish farmer”. We got all the way down to Nantes, where it’s just started leaking oil, like crazy; you couldn’t drive for ten meters because all the oil went down/out from the car.
Ant: But I would say the best thing about our time in France was in Nantes, we met a lot of really good people we hanged out with… We played at Le Stakhanov, it was the first show where a lot of people came to see us. We played with the locals “Von Pariahs”, maybe that was the reason (laughs). We were stranded for a couple of days because the car didn’t work out and we were supposed to come to Paris to play here at l’Espace B. So we dropped the car off to a garage and we had to go there by train. Then we went by bus to Amsterdam and came back to Paris again. And the bus ride from Paris to Amsterdam was kind of the scariest moment in my life. The bus driver was fucking crazy! He ran and ran red lights all the time driving like he was a fucking racing car driver. The toilet didn’t work in the bus, it was a fucking mess. My god…Then we came back and we stayed here for like a week, at Charles’ place, it was really nice.
Then when the car was finally repaired, the guy from Von Pariahs drove it here because they have to play in Paris. So we were lucky…
Ant: It was our first tour, I think we lost 3000 euros or something. Since then we’ve been bankrupt… That’s the life of a touring band… (laughs)


x I can’t let you without having a word from you about Zlatan Ibrahimović, he’s favorite Swedish guy in France now. Did you read his biography?

Ant: No I haven’t read it, but actually, I worked at a book warehouse, and I packed that fucking book, I lifted like tons of that book… (laughs)
That’s funny because in France you say Zlatan as we do in Sweden but in Italy they say “Ibra”, this is weird. But I’m not really into football, so we should get Anton, our drummer.

And: I really like Zlatan and the funniest thing about him is a documentary about his old team Malmö FF. And he’s like a teenager, and he is so stupid (laughs).
The funny thing is the dialect from Malmö, and there is one scene where he is in a bus and he’s talking about what he’s gonna do if he’d get some money: “I’m gonna buy a Diablo, a purple Diablo, and the license plate will say “TOYS”, (and he translates in Swedish) it means toy in english” it’s so funny…
And then in another scene he’s sitting in a couch in his mother's place. Well it’s funnier in Swedish but anyways, he’s talking about his mom like “when is mom’s birthday, I don’t really know like, how old is she now? fifty? no I don’t know” then he’s like “how many kids did she have? 8? 5?” (laughs).
He’s such a weird guy, but I like him.


They're playing at festival Mo’Fo on saturday 26 of January (event here) and across France and Europe from mid january. 

- Holograms – S/T – (09/07/2012) Captured Tracks 




B / FGC
Big thanks to JL, AE, Dylan Gordon (Dirty Snapshots) for the main pic.

Holograms - The block busters, l'interview



©Picture by Dylan Gordon (Dirty Snapshots)

English version's link here

Holograms c’est assurément l’un de nos coups de coeur 2012. Pour ceux qui n’auraient pas suivi, ces jeunes gens viennent de la banlieue de Stockholm et s'adonnent à la musique punk.
Cela ne s’arrête bien sûr pas là, car après nous avoir soufflé avec leurs premiers titres (ABC City et Hidden Structure), au début de l’année dernière, on ne se serait pas douté qu’ils puissent confirmer avec un 1er LP (éponyme) déjà classique.
Alors oui, ça nous a réveillé, ils ont la fougue, la fraîcheur mais aussi une certaine maîtrise musicale, une direction.
On les sent, eux, comme cette jeunesse, tourner en rond, enfermés dans ces grands blocs de béton, parfois labyrinthe social, parfois boulet au pied qui vous empêche de sortir la tête de l'eau. Personne ne leur prète la moindre attention et c'est de là qu'ils puiseront cette force. Si personne ne les regarde, ils peuvent donc faire ce qu'ils veulent, explorer ce que bon leur semble sans rendre le plus petit compte. C'est donc cela qui donne Holograms.
C’est gris, fulgurant et urbain, et ce gris laisse souvent place à de la couleur grâce à des touches pop qui se croisent et s’entremêlent dans leurs brulôts punkrock, kraut et j’en passe….

Leur album est sorti l’été dernier chez Captured Tracks et ils seront de retour dans toute la France ce mois-ci pour un passage qu’on attend de pied ferme au festival Mo'Fo 2013 (25 au 27 janvier à Mains d'Oeuvres), le samedi 26 avec plein d’autres super groupes (Feeling of Love, Datsuns, etc.).

Pour la petite histoire, on les avait déjà rencontré pendant leur 1ère tournée en France en mai 2012
et on les a logiquement revu en novembre dernier lors de leur 2e tournée et 2e passage (complet cette fois-ci) à l’Espace B.
Ça s’est passé après le concert avec Andreas et Anton (qui chantent et tiennent la basse et la guitare), autour d’une bière et on a parlé de tout et de rien…

« Le 1er concert qu’on a joué pour cette tournée était en 1ère partie des Vaccines… et je pense que personne ne venait pour nous. On disait « On va vous jouer une autre chanson » et le public était là « oh non… » (rires) »








x J’ai lu quelque part que vous appréciez la musique de DAF (Deutsche Amerikanische Freundschaft), vous pouvez en parler?

Andreas: Pour moi c’est une grande influence dans mes goûts musicaux. J’ai commencé à écouter DAF quand j’étais ado, vers 14,15 ans. Il y a ce truc au niveau de la dynamique de leur musique, de comment ils la conduisent. Ils utilisent des synthétiseurs mais de la batterie live, donc le son de tout ça, les synthés, les beats, c’est très basique en 2 temps, j’aime beaucoup ça et aussi la façon dont ils se représentent. Il y a bien sur aussi Kraftwerk qui viennent de Düsseldorf.
Après ce n’est peut-être pas une grosse inspiration pour nous en tant que groupe...

x Est ce que ça peut donner des pistes pour les prochaines chansons d’Holograms au niveau des expérimentations par exemple?

And: Je ne pense pas mais je vais faire un projet “synth band” avec Anton le batteur, qui lui est très branché sur ce genre de choses. Il a déjà son propre projet “I've Become Vapour” qui est vraiment bien et où il fait tout tout seul. Donc on va peut être essayer de faire quelque chose dans le genre.
Mais pour Holograms, je ne sais pas, je ne pense pas qu’on puisse changer autant, mais peut être qu’il y aura plus de synthés différents, pour la batterie par exemple et en fait, on a justement acheté un JUNO 60…




x Vous avez déjà enregistré des nouvelles choses?

Ant : Non, pas encore mais on va le faire dès qu’on rentre à la maison. Avec le même mec que pour notre LP, il est plutôt bon et a de bonnes idées. Peut-être qu’il sera plus motivé car maintenant il sait qu’il y a plus d’enjeu ! (rires)

x On retrouve beaucoup de symboles dans vos chansons (et environnement graphique), c’est voulu ?

Ant: Oui c’est une certaine approche pour les textes. Ça permet de créer une atmosphère.
And: On n’a pas fait de grandes études mais je m’intéresse à plein de choses, en lisant beaucoup par exemple. Mon but est d’écrire sur les choses qui m’intéressent, au niveau personnel mais aussi sur ce qui peut évoquer/ provoquer de l’émotion. Je ne veux pas écrire sur des choses « génériques ».
Il y a par exemple l’image d’Orphée, ABC City parle de la banlieue où l’on vit, Monolith a pour thème Le Corbusier, l’architecte suisse sur qui j’ai beaucoup lu…





x Il y a une scène underground à Stockholm ou pas? Je pense à un lieu comme Push My Buttons ?

Non pas vraiment.
Quand on était gosse, on jouait de la musique dans les centres d’activité pour jeunes en Suède (sorte de MJC), tu fais ça quand tu n’as pas l’âge pour aller dans les bars. C’est en quelque sorte là que tu commences à répéter, à jouer et à faire tes premiers concerts. Là, il y a une sorte de scène musicale avec plein de groupes pourris ! (rires)
Plus vieux (vers 18,19 ans) on a commencé à trainer chez Thomas et Lotta qui tiennent le shop Push My Buttons et organisent des concerts. C’est d’ailleurs à l’un de leurs concerts qu’on s’est rencontré. En fait, s’il y a une scène underground c’est eux qui la font vivre, ils font tout d’ailleurs. Ils sont aussi ceux qui nous ont fait jouer les premières fois…

x Au niveau des labels, c’est pareil?

Ant: Il n’y a pas vraiment de labels indé à Stockholm, ça se passe plutôt à Göteborg, avec des choses comme Luxxury entre autres. C’est plus dynamique là bas qu’à Stockholm d’ailleurs. Ils sentent le poisson là-bas (rires), je plaisante....
Il y a aussi Sincerely Yours, un très bon label, ils ont sorti des bonnes choses comme The Tough Alliance, JJ etc…



x Est-ce que vous sentez une espèce de vague Nordique au niveau de la scène punk, par rapport aux autres groupes qu’on a pu voir émerger récemment?

Non. Ils ont une scène à Copenhague, d’ailleurs pas mal de ces groupes étaient sur la compilation Posh Isolation. Mais on n’a rien de tout ça à Stockholm. On aime beaucoup Iceage et aussi Lower mais la plupart d’entre nous ne connaissaient pas quand on a commencé. Iceage, ça fait un moment qu’ils jouent d’ailleurs, je me souviens que je leur parlais sur myspace il y a, peut être, 5 ans, ils devaient avoir 13 ans (rires)… Et sinon on ne les a rencontré qu’une fois en concert.





x La première fois qu’on s’est rencontré, c’était au moment de votre 1ere tournée qui est réputée pour être la plus galère… vous avez une petite histoire à nous raconter ?

Ant : On en a plein de cette tournée… donc on va dire une histoire qui s’est passée en France, où notre voiture est tombée en panne…
And : On l’avait acheté un jour avant de partir, pour 1000 euros à une espèce de fermier suédois. Elle roulait bien jusqu’à Nantes où elle a commencé à fuir de l’huile de partout. On ne pouvait pas conduire plus de 10 mètre car le moteur se vidait...
Ant : Bon, malgré cette galère on a aussi passé un super moment à Nantes où on a rencontré plein de gens biens avec qui on a pu profiter de l’endroit. On a joué au Stakhanov, et c’était le 1er concert où il y avait un peu de monde pour nous voir. Les locaux « Von Pariahs » jouaient avec nous donc ça explique aussi pourquoi c’était rempli (rires)…
And : La voiture était HS et on devait venir à Paris pour jouer à L’Espace B donc on l’a laissé à un garage et on a pris le train… Après ça il fallait aller à Amsterdam… On a donc pris le bus et c’était franchement l’un des moments de ma vie où j’ai eu le plus peur…. Le chauffeur était complètement dingue, il grillait tous les feux rouges et se prenait pour un pilote. En plus les WC ne fonctionnaient pas, bref c’était un bordel sans nom.
Ant : Ensuite on est revenu à Paris et on est resté quelques jours chez Charles, donc c’était plutôt cool. On a eu de la chance car les Von Pariahs jouaient à Paris et nous ont ramené la voiture….
C’était notre 1ère tournée et je crois qu’on a perdu environs 3000 euros, on est ruiné depuis… C’est la vie… (rires)

x Je ne peux pas éviter le sujet Zlatan qui est le suédois le plus connu en France. Vous avez lu sa biographie ?

Ant: Non je ne l’ai pas lu mais en fait, j’ai travaillé pour un entrepôt de bouquins, et je devais notamment emballer son putain de livre, je crois que j’en ai chargé des tonnes et des tonnes…. (rires)
C’est marrant car en France vous l’appelez Zlatan, comme nous en Suède, alors qu’en Italie par exemple ils disent Ibra… Mais moi je ne suis pas trop le foot, il faudrait plutôt demander à Anton le batteur.

And: Moi j’adore Zlatan. L’un des trucs les plus drôles sur lui est un documentaire sur son ancien club, Malmö FF où on le voit jeune, ado et il est tellement bête… (fou rires).
Il parle avec une espèce de dialecte/accent de Malmö et c’est tellement drôle…
Il y a cette scène où il est dans le bus et il parle de ce qu’il fera quand il gagnera de l’argent : « Je vais acheter une Diablo, Lamborghini, une Diablo violette. Et sur la plaque d’immatriculation, il y aura marqué « TOYS », ça veut dire jouet en anglais »…
A un autre moment, il est allongé dans le canapé chez sa mère. Bon c’est surement plus drôle en suédois mais peu importe… Donc il parle de sa mère avec son frère « C’est quand l’anniversaire de maman ? je ne sais plus, elle a quelle âge maintenant 50, 51 ? ouais je sais pas… elle a donné naissance à combien d’enfants ? 8 ? 5 ? » (rires).
C’est vraiment un mec bizarre parfois, mais je l’aime bien…


En concert au festival Mo’Fo le samedi 26 janvier 2013 (event ici) et dans toute la France à partir du 16/01. 

- Holograms – S/T – (09/07/2012) Captured Tracks 




B / FGC
Merci à JL, AE, Dylan Gordon (Dirty Snapshots) pour la photo d'illustration

lundi 30 janvier 2012

"J'ai une démarche de passionné": Rencontre avec Jiess Nicolet, programmateur du Mo'Fo




Malgré une programmation pointue, le Mo’Fo, qui se clôturait dimanche au centre culturel Mains d’œuvres, à Saint-Ouen, a conquis le public, faisant salle comble samedi soir. Une belle réussite pour Jean-Sébastien Nicolet, passé par la direction du Café de la Danse et de la Maroquinerie avant de reprendre les rênes du festival indé. Celui qui se fait appeler « Jiess » travaille également dans une agence de booking, est à la tête de deux autres festivals de musique, BBMIX à Boulogne Billancourt et Musiques Volantes à Metz, et s’occupe de la partie musique de la salle parisienne Le Point FMR. Rencontre avec un passionné.




x Tu as réussi à voir quelques concerts ?

En tant que programmateur je suis toujours au four et au moulin et du coup frustré de ne pas assister aux concerts que je programme. Vendredi j’ai voulu jeter un coup d’œil à Concorde mais je n’ai pas pu rentrer dans la salle tellement il y avait de monde !

x Comment s’est montée la collaboration avec Cheveu ?

Le festival a été créé par un groupe : Herman Düne. Il a donc depuis le début développé un côté curator, qu’on retrouve par exemple dans le festival ATP où la programmation est confiée à un artiste. A mon avis, c’est compliqué de faire ça sur toute une programmation, parce que ce n’est pas forcément réaliste par rapport à l’intérêt du public. Mais Herman Düne avait quand même impulsé le côté curator, donc je les ai recontactés l’année dernière pour qu’on construise la programmation ensemble. Et cette année j’ai demandé à Cheveu de le faire. Peut-être que tous les ans, on aura pour principe d’avoir au moins un groupe pour parrainer, mettre en avant des groupes qu’il a dans son entourage, reformer des groupes etc. 

Cheveu a donc amené trois groupes : les Country Teasers, des écossais qui jouent une musique un peu punk. Ça faisait très longtemps qu’ils n'avaient pas été invités en France. Crack Und Ultra Eczema viennent, eux, de Strasbourg. Ils n'avaient pas joué ensemble depuis cinq ans. Du coup, ils ont répété pendant cinq jours en studio ici. Et le troisième invité c'est DJ Magic, qui est arrivé 6e aux DMC, les contest de dj et de scratch. Le garçon est une espèce de performer punk qui mixe à base de hip-hop et de musique chelou.
Plus largement, toute la programmation de samedi soir avait un lien avec la scène de Cheveu. Olivier de Cheveu a joué sur le dernier album de Winter Family, Mein Sohn William c’est un petit rennais qui fait sens aussi, Chazam c’est aussi un performer, bordelais d’origine comme Cheveu. J’ai tissé des liens entre tous les artistes. Même s’ils ne sont pas toujours évidents, ils sont là !


x Tu avais des coups de cœur dans la prog cette année ?

Sleep Party People c’est un vrai coup de cœur. Le groupe joue avec des masques de lapin. Pendant leur concert, une caméra est installée au fond de la salle, et un écran derrière le groupe. Les spectateurs, qui ont enfilé des masques à l’arrière de leur tête, s’amusent à s’approcher de la caméra et donc à s’éloigner de la scène, tout en s’en rapprochant puisque leur image est diffusée sur l’écran placé sur scène.

x C’est quasiment un happening ?

Ça reste un concert classique mais avec l’envie de faire participer le public. On est dans une vision un peu brechtienne du spectacle.

x Comment on programme un groupe inconnu comme Sleep Party people ?

Il y a trois façons d’exercer le métier de programmateur. On peut attendre des listes envoyées par des agents et des tourneurs de tout ce qu’ils ont en tournée sur une période donnée. On n’a alors plus qu’à sélectionner les artistes que l’on veut programmer. C’est la programmation « en réception ». Moi je ne bosse pas du tout comme ça, et sur un événement comme Mo’Fo ça n’aurait pas de sens. Après il y a la prospection et le remontage. La prospection consiste à aller chercher des projets, via Internet, via des copains qui donnent des infos, des groupes qui connaissent d’autres groupes, via d’autres concerts, d’autres festivals aussi. Pour revenir à Sleep Party People, je les ai découverts sur le net, et en même temps un copain qui est agent m’en a parlé. Quelques jours après, j’ai rencontré par hasard le mec du label, on a discuté et on a monté le projet.

x Tu dis que tu découvres des groupes sur d’autres festivals, tu te déplaces beaucoup ?

Malheureusement pas autant que je le voudrais, car je suis aussi programmateur au Point FMR, agent dans une agence de booking, et j’ai trois autres festivals donc je ne peux pas me balader tout le temps. Mais j’ai toujours la possibilité de voir des vidéos de live pour me faire une idée.

x Tu ne tires pas un peu sur la corde à vouloir cumuler autant de fonctions ?

J’ai toujours été boulimique. Mais j’ai une démarche de passionné donc tant que je prends du plaisir à faire les choses rien n’est une contrainte. Après n’oublions pas que je ne suis pas seul à travailler sur les festivals. Au Mo’Fo je repose sur les compétences d’une équipe. Pareil pour le Point FMR.

x Comment on se retrouve-t-on avec un CV  pareil ?

J’ai grandi dans la vie associative rennaise. J’ai fait mes premiers concerts là-bas. J’étais dans l’association noise-rock Kérosène, et en même temps dans Ultra Violet. C’était les années 90, j’étais étudiant en sociologie puis en info-com. Je faisais aussi une émission de radio sur Canal B. J’ai commencé à penser que je pouvais peut-être vivre de la musique. Je suis alors monté à Paris faire un stage au Café de la Danse. Il n’a duré qu’une semaine et j’ai été embauché ! J’y suis resté 6 ans.

x Tu as un premier souvenir musical ?

Pour le rock oui. C’était en 1991, l’année où Nirvana est venu à Rennes. Tous mes potes étaient allés les voir et moi je n’avais pas eu le droit. (Rires) Mais je me suis consolé l’année suivante avec une soirée où étaient programmés Sugar, Pavement, et Sonic Youth.

x C’était donc tes premiers concerts ?

De rock oui. Car je viens d’un milieu très classique, musique baroque contemporaine etc.

x Tu écoutes de la musique classique ?

Oui. Je n’écoute pas que du rock. D’ailleurs je m’interdis de programmer les trucs que j’écoute vraiment. Sinon je ne ferais que trois personnes !

x Tu écoutes quoi?

J’ai une affection pour la scène industrielle des années 80, les musiques ambiant, expérimental, concrète et la musique exotica des années 60. Je passe mon temps à redécouvrir des choses car la musique est un puits sans fond.

x Pour revenir à Mo'Fo et BBMIX, pourquoi les organiser dans la périphérie parisienne ?


Mo’Fo est très attaché au lieu Mains d’Œuvres, c’est l’événement phare de ce centre culturel. Concernant BBMIX, quand je suis parti du Café de la Danse, j’ai rejoint la mairie de Boulogne Billancourt comme chargé de mission de musiques actuelles pour la construction d’une salle de musique actuelle sur l’île Seguin. On a créé BBMIX parce qu’on voulait expliquer à la population, aux professionnels, et aux médias qu’un lieu allait ouvrir, au travers d’un temps fort. Le festival continue malgré que le lieu, lui, n’ait pas eu d’existence.

x Ce n’est pas trop dur de ramener un public à Saint-Ouen et Boulogne ?

Ce sont des lieux de vie et des moments de festivals importants. Ceux qui viennent à Mo’Fo ou au BBMIX ont un peu de culture musicale, un peu de goût, ou la curiosité de la découverte. Peut-être que passer le périph’, faire souvent trois quarts d’heure de métro pour venir demande un investissement que l’on est prêt à faire, ou pas.

x Quel avenir pour le Mo’Fo ? Tu as envie de le développer afin qu’il ait une ampleur nationale ?

Il commence déjà à avoir une résonance nationale. Concernant les perspectives d’évolution, tout est question d’imagination, et de potentiel économique, car on a de tous petits moyens. On a pour projet d’organiser des plateaux Mo’Fo dans d’autres ville dans le but de rendre le festival encore plus accessible. Cette année on a une première date à Metz.
J’ai également commencé à proposer de la résidence. Crack Und Ultra Eczema a répété une semaine ici cette année. Je souhaiterais être aussi dans la création, et plus seulement dans la diffusion.
Par ailleurs, Sourdoreille retransmet les concerts en direct sur Rue89 et Les Inrocks. Ce qui est une donnée d’accessibilité.

x Comment envisages-tu l’avenir de la musique à l’heure actuelle ?

C’est très complexe comme sujet. L’industrie du disque s’est fourvoyée depuis une quinzaine d’années sur de vieux modèles. Les maisons de disque ont tout fait pour que le support numérique n’existe pas. Elles ont dépensé des millions de dollars pour garder un marché du physique. Et puis elles ont tout perdu. On a assisté en même temps à la création de gros groupes mondiaux qui font ce qu’on appelle le 360° : ils génèrent les économies du live, du disque, du publishing, l’achat des espaces publicitaires, des lieux de spectacle, des systèmes de billetterie. Tout est inclue dans des trucs qui nous dépassent. Les gens sont prisonniers de tout ça.

x Dans quel sens prisonnier ?

On est marketés à fond maintenant, et de manière plus insidieuse qu’avant. Ça va de la sonnerie de téléphone à la synchronisation de publicité.

x Le live serait-il l’avenir pour les groupes ?

C’est une connerie de penser ça. C’est reporter une pression économique sur un secteur qui n’a pas beaucoup plus d’argent et qui en France est très contraint par les charges sociales, des contraintes économiques fortes. Une salle à paris se loue 2500 euros alors que son équivalent à Berlin c’est 200 euros ! Pour finir c’est le public qui paye. Plus on augmente les charges de fonctionnement du live plus c’est lui qui va devoir payer cher pour pouvoir voir des artistes.

x Mais ça compense le fait qu’il n'achète plus de CD non ?


A mon avis il n’y a pas eu et il n’y aura pas de transfert. Le budget consacré autrefois à l’achat de musique est passé aujourd’hui dans l’achat de forfaits téléphoniques. Un français va à peu près une fois par an en concert !
Si on a besoin d’une chose aujourd’hui c’est d’un filtre car il y a de plus en plus de propositions artistiques.

x Comment un programmateur s’y retrouve justement dans cette masse de propositions ?


Sur un lieu comme Le Point FMR je reçois à peu près 20 sollicitations de groupes par jour et je n’ai même pas le temps de les écouter. Il n’y a peut être qu’un artiste sur 1000 qui m’a démarché et que j’ai programmé. C’est hyper dur parce que ça veut dire qu'il faut faire partie d'un réseau pour être programmé.

x En tant que programmateur musical parisien, est-ce que Paris est pour toi une ville assez dynamique musicalement parlant ?

Le problème c’est que la France est trop centralisée sur Paris. Tous les médias et la profession sont concentrés sur Paris. L’enjeu pour beaucoup d’artiste c’est donc d'y jouer et non d’y vivre, ce qui leur est de toute façon impossible pour des raisons économiques. Paris n’est pas une ville de création, mais une ville de passage.
Il y a aussi un souci au niveau de la pression exercée par la réglementation : le problème des nuisances sonores, l’interdiction de fumer dans les bars et salles de concert, les descentes des préfectures de police font beaucoup de mal à la vie culturelle. Résultat: des fermetures administratives sont promulguées. Question vie nocturne, on est encore très loin des Anglais, des Allemands, des Espagnols et des Italiens.




Carole Boinet