"Hustlers of the world, there is one Mark you cannot beat: the Mark inside"
Le jeudi 2 septembre 2010, la mairie du 11e s’offrait un ravalement de façade en accueillant dans ses murs une soirée alléchante organisée par la bande qui se cache derrière le très bon magazine gratuit « Entrisme ». Au programme : Bonjour Afrique ! Turzi, et surtout Beat Mark, un de nos coups de cœur 2010 (Cf Wol 6). Leur LP Howls of Joy, petite merveille pop-rock aux accents garage, nous donne des fourmis dans les jambes depuis quelques mois déjà. Et leurs morceaux entêtants nous ont obsédé tout l’été, du bitume parisien aux plages costarmoricaines, au sortir de la douche jusqu’à tard dans la nuit. Ne restait plus qu’à tenter de percer le mystère de ce groupe aux allures de magicien, capable en deux-trois mélodies bien tournées de s’insinuer au cœur de notre quotidien.
Après un concert où une guitare très garage est venue contrebalancer des morceaux pop à dominante chorale nous retrouvons le guitariste Gaétan, le chanteur Julien, la chanteuse bis et claviériste Karin, le bassiste Sylvain et la batteuse Chloé autour d’une table en formica, dans les locaux de la mairie, pour boire une bière et, accessoirement, leur poser quelques questions.
Julien: « Beat Mark » ça veut dire marque de coup, littéralement, mais « mark » ça veut aussi dire « paumé ». C’est un terme qui est souvent employé par les écrivains de la beat generation. Et « beat » renvoie forcément à ce mouvement et au rythme et à la musique. Après il n’y a pas forcément de justification, c’est toujours un calvaire pour trouver un nom de groupe. On s’est dit que ça sonnait assez bien, concis, et voilà.
x La rencontre ? Histoire d’amitié, d’amour…?
Gaétan : A la base on voulait faire un projet garage avec Julien. On a donc cherché dans nos amis qui auraient été chaud de le faire. Il y a Karin qui est la petite amie de Julien, sa bonne amie (rires). Sylvain de This Is Pop. Et Chloé qui joue de la batterie (ndlr : ex-batteuse de Yussuf Jerusalem).
LE GROUPE
Julien : Donc on voulait faire un truc de garage et quand j’ai proposé à Sylvain de jouer avec nous, je lui ai dit qu’on faisait un groupe à la Swell Maps. Mais en fait ça ne ressemble pas du tout à Swell Maps. Parce qu’on ne peut pas s’empêcher de faire des refrains pop (rires). Au final ça ressemble pas trop à du garage.
x RollK FGC : Oui moi je ne trouve pas que ça ressemble à du garage…
Julien : En France, il n’y a pas vraiment de scène indie pop donc on est toujours rattaché à des trucs garage car ce sont un peu les seuls gens qui écoutent ce genre de choses. C’est difficile aussi d’être mis en avant avec ce genre de musique ici.
x Pourquoi ce besoin de s’investir dans un nouveau projet ?
Gaétan : Si on le savait on ne le ferait pas! C’est un peu comme nous demander pourquoi on fait de la musique. Il n’y a pas vraiment de raison. C’est surtout parce que beaucoup de nos influences musicales sont liées à Beat Mark. Par rapport à nos autres formations, on n’arrivait pas à toutes les « assumer » d’une certaine façon. Alors qu’on a aussi envie de les assumer.
Julien : C’est sur que les morceaux n’arriveraient pas à rentrer dans le cadre d’Adam Kesher ou This Is Pop. C’est assez éloigné et on essaye de se donner une ligne de conduite dans chaque groupe et de ne pas dériver. Je trouve ça assez désagréable les groupes qui sont «couteau suisse » genre un morceau stoner, un morceau pop, un morceau truc… On avait tous envie de faire ce genre de musique et ça ne s’intégrait tout simplement pas dans les groupes qu’on a à côté.
x Avant de commencer à jouer ensemble, vous aviez déterminé qui allait faire quoi ?
Karin : En fait, Julien et Gaétan ont commencé à faire les morceaux seuls et ensuite ils les ont enregistrés. Tout ça a un peu été fait « à la maison ». Ensuite ils ont eu l’idée de me demander de chanter des tout petits bouts de morceau et c’est comme ça qu’au fur et à mesure je me suis intégrée au groupe.
x Sylvain, la basse?
Faut savoir qu’au départ c’était un groupe qui devait sonner comme Swell Maps quand même, (rires) on m’a vendu ça comme un groupe de punk rock ! Mais la basse ça va….
x La pop, qu’on retrouve dans vos projets, c’est une marque de fabrique, au cœur de ce que vous faites ?
Chloé : C’est la musique qu’on écoute.
MUSIQUE ET VIE
x C’est votre quotidien de faire de la musique ? Toi Julien je sais que tu étudiais la philo… ?
Julien : Eh bien j’ai fini mon master, et je l’ai eu.
Gaétan : Chloé et Sylvain bossent à coté.
Chloé : Prof en lycée, anglais.
Sylvain : Prof de garage (rires).
Chloé : Moi je fais ça pour m’amuser et faire ça avec des amis de longue date. On n’est pas logé à la même enseigne car certains d’entre nous font ça tout le temps avec leurs autres groupes. Moi j’aimerais faire ça tout le temps aussi mais bon…
Gaétan : Évidemment pour moi et Julien c’est différent car on a d’autres projets à coté, notamment Adam Kesher qui prend énormément de temps. Ça a vraiment changé notre mode de vie, car c’est hyper difficile d’avoir un boulot stable et d’avoir un groupe qui tourne beaucoup derrière. Après c’est quelque chose qu’on a choisi, c’est très cool, même avec tous les cotés précaires que ça peut avoir à certains moments. On essaie de faire en sorte que ça dure le plus longtemps possible car on aime vraiment cette façon de vivre, on n’a à répondre de rien à personne. On vit à peu près à notre propre rythme et si on enlève les inconvénients, on a une vie franchement à la cool.
Julien : Dans l’absolu et par rapport au groupe en lui-même, on aimerait tout le temps faire ça mais c’est compliqué. Et faire ça en France ça a ses avantages et ses inconvénients. C’est difficile de passer à la radio et culturellement on n’est pas un pays qui aime le rock. Alors c’est vrai qu’il y a des aides mais elles ne sont pas vraiment adaptées. Tu vas avoir des subventions plus sociales genre MJC et ensuite si tu veux faire un dossier par exemple avec les bureaux export il faut que tu sois déjà un groupe avec une structure, un label etc… Donc c’est assez compliqué.
x C’est différent de faire du rock dans les pays Anglos saxons ?
Julien : Je dirais qu’il n’y a pas de différence au niveau structure car il n’y a pas plus ou moins de choses là bas. C’est vraiment une différence culturelle. Tous les enfants apprennent les instruments de musique à l’école et puis il y a un public. Dans n’importe quel bled tu as 200 personnes pour aller voir un concert de garage, ce qui n’est pas le cas en France, sorti des grandes villes qui ont pu développer un peu cette scène. C’est hyper dur de jouer en semaine par exemple ici, et il y a plein d’autres raisons... Et puis les gens préfèrent la variété.
x Ça vous ennui d’être en France ? Vous n’êtes pas un peu déçu de ne pas être anglais par exemple (rires) ?
Julien : Non. Ça rajoute un coté tragique à l’affaire qui n’est pas pour me déplaire (rires).
LA MUSIQUE DE BEAT MARK
x Vous associez les chansons, la musique de Beat Mark, à votre vie ? A votre environnement? Par exemple « Am I losing control, that’s what I want the most…. »
Julien : Non cette chanson ne nous représente pas tellement.
Gaétan : Après cette histoire de perte de contrôle c’est un thème assez récurrent qu’on peut retrouver dans plein de bouquins. C’est même très lié à la littérature. Et par rapport à cette idée là, il y a une sorte d’impulsion qu’on voit beaucoup dans l’idée de jeunesse, avec toute la fraicheur que ça implique. L’idée de ne pas avoir peur de se faire mal, ne pas avoir peur des choses qui dégoutent un peu. Comme le fait de savoir apprécier, je ne sais pas, une bonne gueule de bois, un bon fromage qui pue (rires).
x En dehors de ces thèmes récurrents il y a bien des compositions plus personnelles ?
Julien : Ouais on a cette chanson contre l’UMP (rires)… C’est difficile d’en parler… de dire qu’il y a un lien direct entre un morceau, les paroles et ce qu’on veut dégager… C’est toujours lié à un environnement culturel, et un peu autobiographique parfois.
Gaétan : Si par exemple il y a « Saw a cold mirror » un morceau sur la déliquescence de ma relation avec une fille que j’aimais beaucoup.
x Quelle importance attachez-vous aux textes, au sens des mots ?
Julien : On a une sorte de détachement par rapport aux paroles, là on écrit pour la musique contrairement à quand tu écris sur une page blanche pour un texte qui se suffit à lui-même. Pour une chanson, on peut plus partir d’une phrase, et rechercher une certaine sonorité, comme quand tu recherches un accord…
x Et la composition ?
Gaétan : C’est très aléatoire, il y a certains moments on peut avoir plein de textes et ne pas savoir quoi en foutre et d’autres l’inverse, la musique sans les paroles. Ce n’est pas du tout calculé…
Karin : Mais la musique tout autant que les paroles, dans l’idée que ça forme quelque chose de cohérent, sont importants. Et donc il y a une attention portée à la composition et à la structure des morceaux.
x Le look, l’esthétique, vous êtes des gens bien habillés (rires)…
Karin : On ne s’est jamais dit qu’on voulait privilégier tel type de vêtement, tel type de couleur. On n’a pas d’uniforme. Après évidemment quand tu sais que tu vas monter sur une scène tu te dis que tu vas être sous l’œil de plein de gens donc tu réfléchis un peu à ce que tu vas mettre (rires), mais il n’y a aucune ligne directrice.
Gaétan : Le truc auquel on a pensé, c’est d’avoir des filles dans le groupe. On s’est dit que c’était plus vendeur. Et ça permet aux filles dans le public de s’identifier et ça je pense que c’est hyper important (rires).
Chloé : et il raconte un tissu de conneries ! (rires)
BEAT MARK BY BEAT MARK
x La chanson de Beat Mark qui vous représente ou vous touche le plus?
Gaétan : Pour moi je pense tout de suite à « When the tree fall » car à la base c’était une comptine que je voulais faire pour ma nièce qui venait de naitre. Ah c’est chaud hein ! (rires) et voilà je ne sais même pas si elle l’a déjà écouté. Elle a un an maintenant. C’est devenu un morceau que j’aime beaucoup.
Chloé : Je n’ai pas particulièrement de morceaux, si quand Karine chante … juste (rires) et voilà et en plus je ne connais pas les titres des morceaux … j’aime bien tout.
Julien : Purple blow.
Sylvain : « Am I five ? » parce qu’elle est rapide, punk rock (rires).
Chloé : Ouais et parce que Julien a l’occasion de chanter d’une manière douce, sauf quand il oublie et qu’il braille (rires). Ça change un peu d’avec Kesher où il crie (rires). J’aime bien quand julien chante de manière plus posée, je trouve ça cool et j’aime donc beaucoup ce morceau.
Karin : J’aime bien les morceaux où il y a des échanges avec Julien. Quand par exemple il fait les couplets et moi le refrain. « Love at first sight” et “What I want The most” notamment. Ceux là je les aime bien. Un peu comme les Vaselines. D’ailleurs il y a un morceau qui est très semblable à une chanson des Vaselines, sans l’avoir fait exprès (rires). L’inconscient… Attention, c’est un plagiat involontaire !
SHOWER
x Beat Mark sous la douche ?
Gaétan : Je chante du Chet Baker super souvent, le morceaux « The more I see you, the more I want you, tada….” j’adore cette chanson. (rires)
Julien : J’aime bien chanter « Victim Boloss » de DJ Soké. « Victim Boloss ton matos est bon », c’est un rappeur du 93.
Sylvain : Moi du Booba, première période…
Chloé : En fait j’ai toujours un disque qui passe quand je suis dans la salle de bain et en ce moment c’est Strange Boys dont j’ai chopé le vinyle.
Karin : Je ne chante pas sous la douche… ah si, j’ai une chanson dans la tête qui ne me quitte pas et c’en est presque agaçant, c’est « Superball » des Magic Kids ! Toujours en tête, c’est infernal…
EPILOGUE
x : On souhaite quoi à Beat Mark ?
Julien : De faire plein de concerts.
Karin : Un megatour, on veut tourner le plus possible, cet été on avait vraiment envie de partir aux USA, enfin moi…
x: Le 1er LP "Howls of Joy":
Karin : Le LP est sorti sur Final Taxi Records, et juste avant on avait sorti la cassette sur un label d’Amérique de l’Ouest qui s’appelle Burger Records.
Chloé : C’est un label qui fait plein de cassettes, ils sont à quelques kilomètres de Los Angeles. Je les avais rencontrés lors d’une tournée avec Yussuf Jerusalem, mon ancien groupe (rires). Et ils sont hyper cool, ils ont d’ailleurs un groupe qui s’appelle Thee Makeout Party, un truc très pop.
Pour Beat Mark, c’est par l’intermédiaire d’une amie, qui a bossé pour Burger en Europe et qui leur a fait écouter les morceaux qu’ils ont vraiment aimés et qu’ils ont donc sortis.
Gaétan : Et cette même fille qu’on connaissait de Bordeaux en fait, elle avait fait passer le groupe Viva l’american death ray Music dont elle s’occupait à l’époque et qu’on trouvait hyper bien, et on avait passé 3 jours très cools… Maintenant elle s’occupe de Harlem, avec un autre pote à nous qui joue dans les Weakends, qui est un mec très cool etc…etc… (rires).
Post Scriptum :
Julien : C’est Didier, qui est là ! Nouveau label, génial !
Didier (Final Taxi Records) : Final Taxi Records, ça vient d’un morceau d’un mec qui s’appelle Wreckless Eric, et ça vraisemblablement vous ne connaissez pas… (rires) Il a fait parti de la scène punk anglaise de 77. il a fait plein de disques … C’est vraiment quelqu’un qu’on aime bien. Il avait fait un morceau qui s’appelle « Final Taxi » et logiquement son prochain album sortira chez Final Taxi Records dont le nom est un hommage, évidemment.
La prochaine sortie, il y a des chances pour que ce soit le nouvel album de Lapin Machin. Et il y a également un mec de Bordeaux qui s’appelle Arthur qui joue dans plusieurs projets dont For Naked Sons, c’est quelque chose qui m’intéresse….
Mais là le principal objectif c’est le LP de Beat Mark : qu’il soit distribué aussi bien en France qu’à l’étranger. L’idée est aussi de sortir des vinyles avec des coupons mp3 pour pouvoir télécharger la version digitale et pas trop s’occuper du CD, qui n’est pas la priorité ni l’âme de la démarche…
- LP "Howls of Joy" disponible dans tous les disquaires indés à Paris (Ground Zero, Born Bad, Pop Culture etc…), Bordeaux et autres grandes villes de France, également à Berlin.
- Cassette Beat Mark sur Burger Records
FGC.
Thanks to JL for the pics
Beat Mark artwork by Maciek Pozoga
Beat Mark on the Wol 6 Selection by Foggy Girls Club