Pic © Marion Costentin 15/08/2013
English version here.
Iceage cultive le mystère, c’est un fait.
Outsiders de l’édition 2013 de la Route du Rock, ils ont remplacé les espoirs new yorkais DIIV ayant annulé il y a quelques mois leur tournée européenne.
Malgrè la qualité indéniable de ces derniers, la venue des danois m’a vraiment réjoui et ce même si notre première rencontre d’après concert fut assez froide.
Vu le nombre de sollicitations bonnes et mauvaises que ces mecs doivent subir, on peut comprendre leur attitude. Cela passera pour de l’arrogance pour certains, pour de la méfiance pour d’autres, je pencherais pour la deuxième, surtout en repensant à leurs débuts et aux basses polémiques développées par quelques un face à leur symbolique provocante.
On passera les détails de la conférence de presse inadaptée et pénible, le groupe lui-même et les questions n’aidant pas...
“Somehow things are still not lost
But I sure feel alienated
Is their flesh disintegrated
These days I'm numb and faded” – Coalition (You’re Nothing – 2013)
La courte histoire du Foggy Girls Club étant intimement liée à Iceage, il est intéressant de replonger quelques années en arrière.
Mon premier contact avec le groupe remonte à 2011 après la sortie de leur 1er LP "New Brigade", grâce à divers articles du (feu) webzine Altered Zone qui évoquait un nouveau vent venant du Nord.
Choc frontal et déstabilisant face à leur titre "New Brigade". Une déflagration d’adrénaline… Qui sont ces enragés ? Que veulent-ils ? Que faire pour se procurer d’autres doses ?
Puis, viendront Escho et Tambourhinoceros, les deux labels basés à Copenhague qui s’occupent des jeunes danois, pas encore majeurs à l’époque. La suite est simple, le LP est commandé, reçu dans une boite à pizza, quelques e-mails échangés et je garde depuis, un lien chaleureux avec ces gens (et cette ville) qui m’ont permis de m’intéresser à la foisonnante scène danoise qu’ils défendent (Thulebasen, CTM, Lower, New Spring etc…).
”Ils sont là depuis nos débuts, à l’époque où on ne servait pas à grand-chose, et ils nous ont amené à quelque chose de concret. On connait ces mecs depuis un bon moment, bien bien avant qu’on envisage notre musique d’un point de vue plus sérieux. Donc en gros, ce sont des amis qui, a un moment donné, ont déclenché le truc. Et si ce n’était pas pour Escho, je pense qu’on ne serait pas aussi actifs et investis. On peut définitivement dire qu’ils s’assurent qu’on ne reste pas tranquillement assis sur notre cul…“
On peut aussi parler de Posh Isolation, un autre label défricheur de Copenhague qui les avait sorti en K7: “Posh Isolation est principalement un label de musique indus mais ils sortent aussi des groupes punk et bizarres de la scène de Copenhague. Donc ils aident aussi à exister des jeunes gens en dehors de leur salle de répétition.”
“Parallel crossing lines
I don't Want To Fall Behind
Is It Too Much To Cope
Not Running Down An Empty Hole” - New Brigade (album S/T 2011)
En résumé, voici une bande de jeune danois qui monte un groupe avec pour méfait un album tel un pavé dans la mare, un classique punk d’aujourd’hui, devenu culte sur de nombreuses platines un peu partout dans le monde.
Logiquement, les choses se sont ensuite accélérées avec des sollicitations de part et d’autre et c’est avec beaucoup de franchise qu’ils en parlent:
“Nous avions un paquet de possibilités mais elles paraissaient toutes plus horribles les unes par rapport aux autres. Matador nous ont semblés être les plus honnêtes. On a signé chez eux, et peut-être que plus tard on s’est rendu compte que ce n’était en fait pas le cas mais maintenant on est coincé avec eux.”
Cette honnêteté et ce point de vue tranchant sur un label mythique (mais également grosse machine) tel que Matador, sort des discours langue de bois habituels, comme une sorte de naïveté consciente qui porte fièrement et fermement leur vision de l’art.
“Concernant les gros labels, ce n’est pas que ce soit si horrible que ça mais c’est juste que nous, en tant qu’individus, avons des différences avec eux. C’est comme si on n’avait pas la même vision de comment les gens devraient en arriver à écouter notre musique. (…).Nous voulons bien sûr toucher plus de public. (…) mais c’est comme si ça devait toujours finir par rimer avec “dollar”. Ça n’a pas vraiment de sens pour nous.”
Pour parler musique, ce 2ème album intitulé “You’re Nothing” et sorti début 2013 a surtout prouvé que nos amis n’étaient pas qu’un feu de paille mais un vrai diamant noir. D’un joyeux clair-obscur ils s’avèrent être terriblement stimulants. On en ressort déboussolé, face à quelque chose de grand. Les compositions stridentes et les textes pointus portés par un chant tour à tour enragé et émouvant évoquent des bouffées de chagrin et de frustration qu’on ferait exploser avec revanche et panache. Un des grands albums de l’année qui triture des sentiments profondément enfouis…
“A mere blow of wind could turn me into light
Hands everywhere covering me
Feels so overwhelming I can't breathe
But bliss is momentary anyhow
Yet worth living for - take me now” - Ecstasy (You’re Nothing – 2013)
Mais revenons au Fort de Saint Père à Saint Malo. En ce jeudi 15 août 2013, le soleil est là et nous nous dirigeons vers la grande scène sur laquelle les jeunes danois vont ouvrir le festival après un apéro bercé par les mélodies de Jacco Gardner.
Tout de noir vêtus, ils vont s’installer tranquillement pour commencer leur set acharné. Ils ne sont pas très connus en France, et n’ont d’ailleurs pratiquement joué qu’à Paris, la tâche sera peut-être plus compliquée pour convaincre le public breton malgré tout présent compte tenu de l’heure précoce.
Qu’importe, "Awake", les vampires sont réveillés et leur baston contre la lumière commence.
Le cagnard en pleine gueule les gène, mais ça ne les empêche pas de cracher qu’ils sont là.
Elias Bender Rønnenfelt a une gueule d’ange et un charisme redoutable. En perpétuelle lutte intérieure, il glisse et se faufile sur les trombes sonores balancées par son groupe pour mieux les éclairer d’une flamme occulte et définitivement fascinante.
45minutes de rage et puis s’en vont. C’était bien, c’était fort.
“I imagine that this is how it would feel to drown in light.”- Count Me In – Sexdrome cover (New Brigade 2011)
Je pars ensuite à la rencontre de Nis, leur manager / papa poule, label puisque moitié de Escho et activiste musical de Copenhague que j’avais déjà rencontré dans le passé via son excellent groupe Thulebasen.
Les heures et les verres passent dans une ambiance joviale et agréable, antithèse du début de soirée. On parle de tout, voyage, de bonne bouffe, d’Aqua, du nazi d’Ace of Base etc… et je ne cesse de titiller Nis sur la date de sortie du prochain album de Thulebasen. C'est un mystère, car assez occupé à enregistrer ses différents comparses, il lui faut trouver le temps de finaliser son propre projet.
Pour revenir à Iceage, on est face à une bande de jeunes gens honnêtes et on ne pourra pas leur enlever cette qualité. Le cirque médiatique autour d’eux les laisse quelque peut pantois. Ils savent d’où ils viennent et ce qu’ils veulent. Ce qui est certain c’est que leurs chansons nous ont portés et nous transporterons encore longtemps jusque chez eux, jusque dans le nord, peu importe la destination, ce qui importe c’est le voyage, pourvu qu’ils en soient la bande son.
Sur le chemin du retour, je repense à "New Brigade" qui me fout toujours les mêmes frissons…
"It’s within me, it’s within you, it’s within me and you"… (New Brigade - 2011)
B.
Et merci à la Route du Rock pour cette très belle édition 2013.
Iceage are:
Dan Kjær Nielsen
Elias Bender Rønnenfelt
Johan Wieth
Jakob Tvilling Pless
À écouter :
Iceage - New Brigade (Escho 2011)
Iceage -You’re Nothing (Escho / Matador 2013)
Vår - No One Dances Quite Like My Brothers (Sacred Bones 2013)
Thulebasen - Gate 5 (Escho 2011)
Thulebasen - Guitar Wand (Escho 2008)
À creuser:
Escho
Escho label profile
Tambourhinoceros
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